La Fontaine et Château-Thierry : 400 ans d’une fabuleuse histoire
Ce jeudi, le coup d’envoi officiel des célébrations des 400 ans de la naissance de Jean de La Fontaine a été donné dans sa ville natale. Plus de 230 manifestations seront consacrées à l’auteur des fables dans les prochains mois.
On la surnomme la Cité des fables, ce n’est pas pour rien. Il y a 400 ans cette année, Château-Thierry, voyait naître son plus illustre enfant : Jean de la Fontaine. La date de naissance du fabuliste est d’ailleurs connue de manière assez approximative. « Nous possédons son acte de baptême au musée, enregistré le 8 juillet 1621, mais à l’époque on enregistrait seulement les baptêmes, très rapidement après la naissance. Il est donc né le 8 ou la veille, le 7 », explique Nicolas Rousseau, Directeur du pôle muséal de Château-Thierry comprenant le musée Jean de La Fontaine.
Jean de la Fontaine nait et habite dans l’hôtel particulier acheté par ses parents lors de leur mariage en 1617. Il est issu d’une famille de marchands-drapiers en voie d’anoblissement. Le poète passe ses premières années à Château-Thierry. « On sait qu’il est allé à l’école à Château-Thierry. On en a la trace par un de ses amis de collège François de Maucroix qui sera son ami toute sa vie », précise Martine Picard, enseignante à Château-Thierry et auteur de « Tout sur la Fontaine ou presque ». « Après le collège, il continue ses études à Paris. Il passe un an et demi à l’oratoire pour devenir prêtre mais finalement suit des études de droit et obtient un diplôme d’avocat. Autour de ses 20 ans, il fréquente les cabarets, des sociétés littéraires. Il écrit des vers », raconte l’auteure.
Attaché à sa terre natale
Après ses années de formation, La Fontaine achète et exerce une charge de Maître des eaux et forêts, une sorte d’ingénieur. Elle l’amène à parcourir le territoire autour de sa ville natale de l’Aisne. « Jeune, il accompagnait déjà son père qui était bon cavalier à travers un territoire assez important. Son droit a dû lui servir pour exercer sa charge et trancher des affaires, prendre des décisions » estime Martine Pichard. « Nous conservons dans les salles du musée un marteau de maître des eaux et forêts qui servait pour marquer les arbres choisis pour être abattus », précise Nicolas Rousseau, le responsable des musées locaux.
La Fontaine était très attaché à sa terre natale. « Je suis homme de Champagne », disait-il de lui-même. A l’époque, le découpage administratif ne place pas encore Château-Thierry en Picardie et encore moins dans les Hauts-de-France. Le fabuliste évoque ses rêveries en parcourant forêts, champs et vignes du secteur. « Il aime cette atmosphère de petite ville. Il s’inquiète de l’état du Pont de la Marne et écrit une ballade au riche Surintendant Fouquet pour en financer la restauration », écrit Martine Pichard. Dans trois de ses œuvres, le poète évoque Château-Thierry. « A chaque fois qu’il part, il y revient. C’est son point d’attache », raconte Martine Pichard
Le temps des fables
En 1647, Jean de La Fontaine épouse Marie Héricart. Il est alors âgé de 26 ans et elle de 14 ans et demi. Elle lui donne un fils, mais il se lasse très vite de son épouse qu’il délaisse. Son travail ne le passionne pas non plus, alors il écrit. En 1664, le fabuliste partage son temps entre Paris et Château-Thierry. C’est le moment où il fait une entrée remarquée sur la scène littéraire publique avec un premier conte. Car, c’est moins connu, l’auteur écrit des contes jugés licencieux à l’époque et aussi quelques livrets d’opéra. Mais son grand succès sera ses fameuses fables. « Il a remis au goût du jour un style littéraire de l’Antiquité, la fable, s’inspirant d’Esope. Avec humour et esprit il décrit les caractères humains au travers des animaux », indique Nicolas Rousseau. La Fontaine écrira 244 fables en tout. Son œuvre connaît le succès de son vivant avec 40 rééditions de ses fables.
Malheureusement, les auteurs de l’époque ne touchaient rien sur les ventes. A 55 ans, criblé de dettes, après avoir dilapidé la fortune paternelle, il doit vendre les biens familiaux et notamment sa maison de famille de Château-Thierry en 1676. « Il a passé sa vie à courir après l’argent », confie Nicolas Rousseau. A Paris, il trouve asile auprès de nouveaux protecteurs. En 1684, il est élu à l’Académie française “un peu contre l’avis de Louis XIV et de Colbert à cause de ses contes jugés trop osés », raconte le directeur des musées. « Il vivait seulement de ses jetons de présence à l’Académie ».
Jean de la Fontaine meurt le 13 avril 1695, pas à Château-Thierry mais à Paris. Il est enterré au cimetière des Saints-Innocents. Après la Révolution, ses restes présumés sont transférés au cimetière du Père Lachaise où ne reste aujourd’hui qu’un cénotaphe.
L’hommage de sa ville natale
Sa présence n’est pourtant pas oubliée dans sa cité de l’Aisne. Dès le 6 novembre 1824, une statue à son effigie y est inaugurée, œuvre du sculpteur Charles Pierre Laitié et offerte par Louis XVIII. A partir des années 1850, l’attachement de la ville à son souvenir prend un nouvel élan. Jusqu’à la Révolution, l’événement annuel local était une procession religieuse le 7 mai de chaque année. A compter de juin 1853, d’après Tony Legendre, historien local, se déroule la première édition d’une grande fête consacrée à Jean de la Fontaine. « L’Impératrice Eugénie avait décidé d’envoyer une pendule en marbre blanc représentant Jean de La Fontaine à la société d’arquebuse locale alors réputée. Honorée, cette dernière a décidé de fêter l’événement sous le patronage de la municipalité en organisant une fête en l’honneur de La Fontaine et de l’Impératrice », raconte l’historien. Depuis les éditions se sont enchaînées. « Il n’y a pratiquement jamais eu d’interruption de la La Fête Jean de La Fontaine. Elle n’a pratiquement jamais été annulée, sauf pendant les guerres ou en 1998 pour éviter la concurrence avec la Coupe du monde. En mai 1968, la fête a été seulement reculée d’une semaine», constate-t-il, intarissable en anecdotes. La prochaine édition en juin prochain avec le traditionnel défilé reste cependant incertaine pour cause d’épidémie.
Quant à la maison natale du fabuliste, elle a été rachetée par la ville au 19ème siècle. Elle sert d’abord de musée des beaux arts avant d’être consacrée à l’enfant du pays. S’il ne reste rien de son mobilier, le musée présente des collections d’objets en lien avec l’oeuvre du fabuliste. « Elle a eu beaucoup d’influence dans les arts décoratifs au 18ème. Les fables apparaissent notamment sur des tapisseries d’Aubusson », explique Nicolas Rousseau. Des produits dérivés avant l’heure en quelque sorte.
Sous la IIIème République, l’Education nationale remet l’auteur au goût du jour en faisant apprendre ses fables aux plus jeunes à cause de leur morale. De nos jours, Jean de La Fontaine suscite toujours un intérêt étonnant dans le monde. « Dans beaucoup de pays son œuvre est connue et relayée», se réjouit Nicolas Rousseau. «Il représente une certaine image de l’élégance et érudition française ». Certains de ses vers sont mêmes devenus des proverbes courants. « La raison du plus fort est toujours la meilleure. Rien ne sert de courir, il faut partir à point ».
Un anniversaire chargé
A l’occasion des 400 ans de la naissance de Jean de La Fontaine, plus de 230 événements labellisés sont prévus partout en France et en particulier à Château Thierry. Le programme officiel détaillé a été dévoilé ce jeudi depuis l’hôtel de Ville. Expositions, spectacles, concerts, ateliers, seront organisés jusqu’en fin de l’année autour du fabuliste et de son oeuvre. A noter qu’une exposition exceptionnelle de 35 fables réalisées en Lego sera présentée du 24 avril au 17 octobre au Musée Jean de la fontaine. Le parc du Puy du Fou consacrera également un de ses spectacles à l’artiste.
A noter également la publication de plusieurs ouvrages à son sujet. “Vive La Fontaine” de Dominique Brisson et Géraldine Doulbeau, explore son univers de manière ludique aux éditions “Cours toujours” à Epaux-Bézu (aisne).
L’auteur Alexandre Jardin propose “Les fables de La Fontaine dynamitées”, chez Gautier Languereau, une réinvention de ses histoires illustrées par Fred Multier et écrite dans le français actuel.
La Pléiade, quant à elle, publie, le 15 avril prochain, un tirage spécial consacré au fabuliste.
Localement Tony Legendre et Etienne Bourgeois publient “L’histoire des fêtes Jean de La Fontaine”.
Côté télévision, France Télévisions doit diffuser des lectures de la quasi totalité des fables lues par des comédiens tels que Zabou Breitman, Michèle Bernier, Alice Dufour, Jean-Michel Ribes ou Elie Semoun. Ces vidéos seront postées dès la fin du mois de mars sur France.tv, Culturebox et la plateforme Lumni, et seront diffusées à la télévision cet été.
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